jeudi 5 avril 2012

Le bizarre jeu politique du quotidien Libération entre 2007 et 2010....

Royal la méchante


Ah, la campagne présidentielle bat son plein, une campagne nulle selon beaucoup. Libération est l'un des seuls quotidiens a avoir l'air vraiment enthousiasmé par ces présidentielles, et c'est en recherchant dans leurs archives que j' ai trouvé deux articles incroyables, presque irréels. Un bon moyen de me demander à quel jeu joue effectivement ce journal.
Le premier article, le voici. :  

Royal: «J'ai demandé à François Hollande de quitter le domicile». Paru le 17 juin 2007.

En effet, à cette époque, Royal et Hollande rompent leur relation. Cette histoire people n'intéresse à la limite personne mais très curieusement, loin d'une simple information, Libération utilise cet article pour enfoncer Ségolène Royal. Petite analyse :
Le titre (en grosses lettres) : 

Royal: «J'ai demandé à François Hollande de quitter le domicile».  Déjà, Royal est présentée comme une femme méchante, qui a mis son concubin à la porte. On précise bien qui a fait cette déclaration : Royal. Elle est donc implicitement présentée comme méchante par les journalistes de Libération. Mais cela ne s'arrête pas là, vous allez voir. 

la candidate malheureuse (...) demande qu'on ne présente plus François Hollande, Premier secrétaire du PS, comme son «compagnon» car, dit-elle, «ce n'est plus le cas».Elle ajoute: «J'ai demandé à François Hollande de quitter le domicile, de vivre son histoire sentimentale de son côté, désormais étalée dans les livres et les journaux, et je lui ai souhaité d'être heureux». Et de préciser: «On est en bons termes, on se parle, il y a du respect mutuel».

Là, Libération met toute la responsabilité (si on peut dire cela) de la séparation du couple sur le dos exclusif de Royal, qui est ici présentée comme une manipulatrice éhontée qui dit en gros à son mari "casse-toi de ma maison". On ne parle nulle part de Hollande : aucune de ses déclarations, rien. Quant à Royal, elle est en plus présentée comme égoïste, la méchante qui chasse Hollande sans se soucier des enfants.
 En effet, la suite dit qu'ils  "ont eu quatre enfants." Sous-entendu : la méchante Royal chasse Hollande sans se soucier de la relation du couple en rapport avec les enfants. 

Vous me direz "oui, mais il est normal qu'un journaliste parle du nombre d'enfants dans le couple et présente les déclarations non ?". Certes, mais alors pourquoi choisir la déclaration la plus "agressive" comme titre de l'article ? Si ils avaient voulu ménager la situation, ils auraient pu par exemple mettre comme titre «Hollande n'est plus mon compagnon», ce qu'a dit Royal.
Et pourquoi parler des enfants JUSTE après la déclaration de Royal ? Vous avouerez quand même qu'il est bizarre de vouloir faire le lien entre les deux. 

Enfin, la fin:  «L’ambiance est survoltée, indignée», lâche un socialiste venu assister à la soirée électorale au siège du parti. Un militant estime que ce «mélange vie privée, vie publique constitue une stratégie méticuleuse de destruction du PS» (de la part de Ségolène Royal).

Là, il ne s'agit plus d'affaire de couple. Désormais, on accuse Royal de détruire le PS, et volontairement en plus ! ("stratégie méticuleuse"). 

Je ne doute pas que Royal et Hollande aient effectivement eu des problèmes, mais vous avouerez que là, les choses sont présentées de façon....spéciale, surtout pour un journal qui se prétend de gauche. Cet article lamine véritablement Royal, accusée successivement d'être une femme méchante, égoïste et destructrice du PS ! Même les plus convaincus des hommes politiques de l'UMP n'auraient osé faire une telle déclaration, Libération a osé !

Aubry la Traître
Il n'enfonce plus Royal mais Aubry.

« Retraite à 60 ans: la droite se presse pour complimenter Aubry». Paru le 20 janvier 2010.

Le titre veut déjà enfoncer Aubry en l'accusant de collusion avec la droite, de faire le jeu de la droite.  (comprenez la droite =le mal, dans l'esprit des journalistes de Libération) Mieux, Aubry est accusée de faire le jeu de la droite. Le chapeau dit :

« La patronne du PS s’était dite ouverte au débat si Sarkozy «est prêt à travailler véritablement sur la base de principes justes». Mais ses propos sur la possibilité de fixer l'âge de la retraite à 61 ou 62 ans, créent des remous à gauche. La droite ne se prive pas d'enfoncer le clou.»

Ainsi, Libération veut implicitement dire à ses lecteurs "vous voyez, Aubry travaille pour Sarkozy, elle veut faire passer la retraite des travailleurs à 62 ans!", alors que ce n'est pas le cas, il s'agit seulement de débat ici. Peu importe, la fin du chapeau dit que "la droite enfonce le clou". Sous-entendu "la connerie d'Aubry fait le jeu de la droite".

Mieux, Libération continue à enfoncer Aubry en publiant une déclaration du premier ministre Fillon, très positive envers Aubry «J’entends dire que le PS pourrait participer à la recherche d’une solution consensuelle: franchement je m’en réjouis», lui a ainsi répondu le Premier ministre, François Fillon.

Mais cela ne s'arrête toujours pas là :
Cette fois, c'est Mélenchon qui est mis en avant , avec la déclaration suivante : 
«avant que la discussion commence, Martine Aubry donne à voir un "front des politiques" qui isole toute résistance sociale face à (Nicolas) Sarkozy. [...] Commencer une négociation en annonçant qu’on est d’accord avec l’objectif de la partie adverse est désastreux

Libération aurait pu citer la déclaration d'un homme politique socialiste lambda, qui aurait fait une déclaration de circonstance....mais non ! C'est Mélenchon, le beau-parleur agressif du front de gauche qui est cité d'abord! Bien entendu, celui-ci accuse Aubry d'isoler la résistance (comprenez la résistance face au monstre dans la terminologie du front de gauche), et d'avoir fait quelque chose de scandaleux ! La suite de l'article est-elle moins "agressive" ? Non.
« Problème: la position d’Aubry, déjà contredite lundi par son porte-parole Benoît Hamon, (...).»
Là, on nous présente Aubry comme isolée du reste de son parti. Hamon fait ici figure d'homme intelligent qui résiste à la folie d'Aubry !
Et tout ça pour rien, vu que Martine Aubry ne s'était effectivement engagée à rien dans ce débat. Elle a envisagé l'idée, mais suite à la lecture de cet article, on pourrait presque croire que non seulement elle a accepté le débat mais qu'elle a rejoint la voie UMP.

En conclusion, je ne peux que me demander à quel jeu joue Libération. Ils se présentent de gauche, ils enfoncent Aubry et Royal bien plus qu'aucun homme UMP. Aujourd'hui, quelques années après, peut-on vraiment avoir confiance en eux ?